Lettre ouverte au Ministre de la Culture
Association des chargés de figuration et de distribution artistique (ACFDA) - Association des chefs
décorateurs de cinéma (ADC) - Association des directeurs de production (ADP) - Association
française des assistants réalisateurs de fiction (AFAR) - Association française des cadreurs de
fictions (AFCF) - Association française des cadreurs steadicamers (AFCS) - Association française
des costumiers du cinéma et de l'audiovisuel (AFCCA) - Association française des directeurs de la
photographie cinématographique (AFC) - Association française des régisseurs (AFR) - Association
française du son à l'image (AFSI) - Assistants opérateurs associés (AOA) - Association des
repéreurs de cinéma (ARC) - Association des responsables de distribution artistique (ARDA) - Les
Monteurs associés (LMA) - Les Scriptes associés (LSA) - La Société des réalisateurs de films (SRF)
Lettre ouverte à Monsieur Frédéric Mitterrand,ministre de la Culture et de la Communication 3 rue de Valois 75033 - PARIS CEDEX 01
Paris, le 28 septembre 2011
Monsieur le Ministre,
Un collectif de huit associations professionnelles vous a adressé une lettre le 22 juin dernier, restée sans réponse à ce jour. Aujourd'hui c'est au nom des 16 associations professionnelles regroupant 1500 techniciens et réalisateurs collaborant à la fabrication de l'ensemble des films français, que nous vous interpellons de nouveau sur la nécessité d'une plus juste répartition du financement des films, afin de sortir par le haut du marasme dans lequel se déroulent les interminables négociations de la convention collective du cinéma.
Au nom de la « réalité économique du secteur », les producteurs proposent de compenser le sousfinancement chronique d'un grand nombre de films par une seule variable d'ajustement : les salaires et les conditions de travail des techniciens. Selon le principe arbitraire d’un seuil critique fixé à 4 millions d’euros de budget, 55 % des films produits en France seraient concernés. Il est impossible de considérer plus de la moitié du cinéma français comme dérogatoire dans une négociation professionnelle paritaire.
Monsieur le Ministre, trouvez-vous acceptable que des parts de nos salaires soient différées en fonction des éventuelles recettes du film, c'est-à-dire la plupart du temps jamais payées ? Que les salaires subissent en moyenne une baisse de plus de 40 % pour la majorité des films produits à venir ? Pensez-vous qu'il revienne aux techniciens d'assumer sur leur salaire et leurs conditions de travail le risque pris par le producteur ? Ce qui était hier déjà une fâcheuse tendance serait demain la règle si la convention collective entérinait ces dérogations salariales. Nous voulons une convention collective étendue, pour mettre fin au seul arbitraire de la loi du marché et au seul arbitrage du code du travail et du Smic qui ne tiennent pas compte des spécificités de nos métiers. Il est indispensable de garantir un cadre légal incontestable à l’ensemble des salariés du secteur. Nous sommes tout aussi attachés aux entreprises de production et à leur diversité, et conscients des réalités auxquelles elles sont confrontées. Nous sommes enfin profondément soucieux de la présence du cinéma français et de sa réussite en France comme à l’étranger. Il est possible de ne condamner ni l’issue de la convention collective ni le cinéma dans sa diversité.
Nous vous demandons d’étudier les propositions de création d’un dispositif permettant de soutenir les films sous-financés, afin qu’ils ne dérogent pas au droit d’une future convention collective. Les économies que les producteurs peuvent réaliser sur les salaires des techniciens doivent être comparées à l'économie générale du cinéma. Si l’on considérait seulement une quarantaine de films relevant chaque année de cette politique, la masse salariale manquante s'élèverait environ à 5 millions d’euros. Cela représente seulement 5 % du montant du plan annuel d’investissement numérique, ou 4 % des aides annuelles à la production et à la création cinématographique, ou encore 0,7 % du budget annuel le plus pessimiste du Centre national du cinéma et de l’image animée…
Alors que des débats s’engagent à nouveau au Parlement, nous redisons notre attachement à l’autonomie financière du CNC, bâtie sur la perception de taxes dont il collecte le produit. Selon un principe de redistribution datant de la fin de la seconde guerre mondiale, cette collecte est entièrement vouée à l’investissement dans la création des œuvres et leur exploitation. La France a depuis défendu avec force, à l’OMC et au niveau européen, la reconnaissance de « l’exception
culturelle » pour les œuvres cinématographiques et audiovisuelles.
C’est exactement dans cet esprit que pour garantir le seul paiement des salaires et charges des salariés des films sous-financés, doit être initié un fonds de mutualisation spécifique de soutien ou une ligne de crédit à taux zéro à rembourser par le producteur. Cela permettrait aux créations les plus diverses de voir le jour, aux productions de s’effectuer dans de meilleures conditions financières, aux salariés d’être justement rémunérés pour leur travail, et sans doute à une convention collective d’être enfin signée par tous et pour tous, sans dérogation.
Vous avez connu vous-même, en tant que cinéaste et producteur, les difficultés liées aux manques de financement. Vous avez montré en tant que ministre votre implication et votre volonté de voir aboutir un accord en nommant un médiateur. Nous vous demandons aujourd’hui, Monsieur le Ministre, un geste fort qui relèverait d’une politique culturelle ambitieuse autant que d’une action concrète pour débloquer la négociation de la convention collective.
Devant la gravité de la situation et les inquiétudes de chacun, nous sollicitons un entretien avec vous afin d'évoquer plus précisément ces propositions.
Dans l'attente de votre réponse, nous vous demandons de recevoir, Monsieur le Ministre, les marques de notre profond respect.
Au nom des 16 associations :
Rémy Chevrin, vice-président de l'AFC,
François de Morant, président de l'AFSI,
Jean-Pierre Bloc, coprésident de LMA,
Michel Andrieu, coprésident de la SRF
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