Gérard LAMPS aux membres de l'ADM et de l'AFSI
Avril 2016
Bonjour,
En tant qu’« ancien chef opérateur du son d'auditorium (alias « mixeur »)» je ne peux rester insensible à vos préoccupations .
Depuis que j'ai quitté, plus ou moins, notre profession, j'interviens devant des élèves ou des professeurs de cinéma et aussi dans des festivals. J'explique notre métier totalement inconnu du grand public.
Ceci m'oblige à me poser beaucoup de questions et en particulier celle-ci : « qu'est-ce que notre métier ? ».
Alors, je raconte l'écriture du film, la recherche d'un producteur lorsqu'il ne s'agit pas d'un film de commande, la phase de préparation, le tournage puis la « post-production ».
Ce mot a fini par me faire « tiquer ».
Cette phase de la fabrication n'a-t-elle donc plus à voir avec la « production » du film ?
Penchons-nous donc sur ce que décrit ce petit mot, lourd de conséquences pour l'interprétation qu'en font nos instances dirigeantes.
Qu'est-ce que la post-production ?
Si on y pense, pas grand-chose puisqu'il ne s'agit ni plus ni moins que d'une relecture du scénario en fonction des éléments collectés lors du tournage.
Le réalisateur en complicité avec le monteur, déplace, replace, supprime, inverse les scènes, bref réécrit son film.
La musique, autre relecture du film, vient renforcer les émotions. En tous cas c'est ce qu'elle devrait faire.
Le monteur son ajuste, propose, suggère les éléments sonores qui contribueront au récit et à l'émotion des spectateurs.
Le bruiteur complète, enrichit, assure les sons nécessaires à la Version Internationale.
Le monteur parole prépare, enlève les plops, cracs et autre « accidents » du son issu du tournage, en allant parfois jusqu'à remplacer une syllabe afin de pouvoir garder la spontanéité du jeu des comédiens.
Il s'agit maintenant d'interpréter cette partition écrite à plusieurs mains et c'est là que nous entrons en piste.
D'abord rappelons que, à l'instar du Directeur de la Photo pour l'image, nous sommes responsables de la qualité de ce qui se trouve sur la bande son finale du film.
« Responsables » cela veut dire que :
- Nous sommes tenus à ce que le son proposé par notre mixage restitue, quel que soit la qualité de la diffusion, les intentions du réalisateur.
- Nous devons mettre en œuvre notre savoir-faire pour que le son soit reproductible dans un maximum de salles. ( Il est évident, compte tenu de la disparité des salles, que l'on retrouvera rarement notre travail dans son intégralité qualitative.)
« Responsables » cela veut aussi dire que nous devons proposer, argumenter, décider. Nous avons, entre autres, la charge du choix de faire ou de ne pas faire une post synchronisation pour des raisons techniques. (La post synchronisation « artistique » étant, elle, le choix du réalisateur et du monteur.)
Comme un instrumentiste nous allons amener notre propre émotion, sous la direction du réalisateur/chef-d ‘orchestre, aux oreilles du spectateur.
Il est très facile de détruire un film avec un « mauvais mélange », il est par contre beaucoup plus difficile, en mixage, de tirer la quintessence d'une prise de son, du jeu d'un acteur, d'une musique et d'amener aux oreilles, et donc au cerveau, des spectateurs les intentions scénaristiques sonores, quelquefois bien cachées, d'un réalisateur.
Le mixage n'est pas seulement une technique mais avant tout, et surtout, une question de sensibilité et de psychologie.
Voici quelques « pensées » d'un ancien qui a maintenant tout le temps pour cela, sur notre beau et prenant métier du mixage.
Pour conclure je voudrais partager avec vous ce que m'a dit un célèbre producteur : « J'ai enfin compris, en réalisant mon propre film, le temps nécessaire à chaque étape et le montant des chèques que je signe à chacun ».
Peut-être, pour certains, un stage de quelques semaines, à nos côtés, en audi …
Très amicalement.
Gérard Lamps
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