Lettre de Laurent Bouhnik
Laurent Bouhnik
4 janvier,
LETTRE À MES CONFRÈRES
Chers confrères, depuis plus de 30 ans, je me bats pour réaliser des films.
Beaucoup d’entre vous connaissent cette bataille sans fin.
Il fut un temps où les cinéastes se regroupaient pour s’entraider. Il fut un temps où le cinéaste s’interrogeait sur son travail. Il fut un temps où être cinéaste signifiait quelque chose.
Aujourd’hui ce n’est plus le cas.
Je vois, depuis quelques années, la dégradation de notre métier. La dégradation de nos conditions de travail. La dégradation de ce qu’on nomme critique qui n’est plus que l’avis, le plus souvent, d’un total ignorant de ce qu’est un film de cinéma.
Dois-je parler de celles et ceux qui financent nos films ?
Vous savez tous qu’ils demandent à ce que le film qu’on leur propose ait un distributeur et des acteurs dit « bankable ».
Combien s’intéressent vraiment au sujet du film et à celui qui le réalise ?
Je souligne d’ailleurs que le spectateur connaît très peu ou plus du tout le nom du cinéaste quand il va voir un film.
Notre association, la Société des Réalisateurs de Film, est à l’image de ce déclin.
En effet, une association de cinéastes est sensée défendre leurs intérêts, donner des informations à toutes celles et tous ceux qui se lancent dans ce travail pour les aider à réaliser dans les meilleures conditions possibles leur film et surtout être un lieu de rencontre et d’échange pour tous les réalisateurs.
Aujourd’hui, de nombreux confrères m’appellent pour me parler de leurs difficultés. Certains se lancent dans l’autoproduction. D’autres désespèrent tellement ils ont envie d’arrêter malgré les films qu’ils ont déjà réalisé.
Si, comme je l’entends souvent dire, la réalisation d’un film est sans doute l’un des métiers les plus difficile, pour ne pas dire exceptionnel, pourquoi y a t’il si peu de films de cinéma en France ?
Je pose la question.
Il y a deux ans, j’ai chroniqué les films qu’il y avait dans le coffret des César.
Cette année, je les ai regardé.
J’ai été abasourdi par le manque de qualité et d’originalité des films de cinéma même si, heureusement, quelques uns tiraient leur épingle du jeu.
Mais ils étaient bien peu.
Pourquoi ?
Sinon parce que ceux que l’on appelle décideurs ont pris le pouvoir sur notre travail.
Aujourd’hui, se profile une bataille qui va changer radicalement notre façon de faire des films. En effet, le gouvernement prépare le démantèlement du Centre National de la Cinématographie.
Petite piqure de rappel pour les ignares.
Le Centre National de la Cinématographie a été crée le 25 Octobre 1946.
André Malraux, alors ministre de la Culture, invente ensuite un concept particulier pour aider le véritable cinéma à exister face à la production de masse : il met en place l’avance sur recette en 1959. Une subvention pour les films de CINÉMA, qui ne devront pas tenir compte d’un hypothétique succès financier.
Faut dire que le bonhomme en avait. Et des sacrées roubignoles. C’est Malraux qui, pendant la guerre d’Espagne, va créer et diriger l´Escadrille « España » durant trois ans. Ce fut le premier allier de la République espagnole et Anarchiste. Ben oui, un Gaulliste qui prête main forte aux Anarchistes ! On en n’était pas à leur tirer dessus avec des balles LBD et des gaz lacrymo comme aujourd’hui en France où certains sinistres demandent même à tirer à balles réelles sur leurs concitoyens.
La Culture, Malraux, il l’avait dans le sang. Et André était prêt à verser le sien pour la défendre.
Monsieur Boutonnat, producteur, est devenu directeur du CNC.
Un producteur qui prend la direction du Centre National de la Cinématographie, c’est un peu comme un Rapetou dans le coffre d’oncle Picsou, c’est un peu comme le PDG de Texaco à la tête de l’association « Les amis de la terre », ou bien un banquier à la tête de l’État….
Déjà, près de 5,29 % des aides sélective du CNC, soit 15 millions, ont été dérobées par l’État il y a un mois.
Il est prévu de réunir par 3 (ne me demandez pas pourquoi) les plus grosses sociétés de production de cinéma pour leur offrir toutes les subventions du centre.
Et que fait la Société des Réalisateurs de Films ?
Elle négocie.
Mais négocie quoi ?
La mort de notre système de production qui a fait, jusqu’à aujourd’hui, notre force ?
Il est très étrange de s’apercevoir que le gouvernement Macron, après s’être attaqué à l’assurance chômage, puis à la retraite, va s’attaquer sans vergogne à la culture pour la détruire.
Si ce gouvernement avait ne serait-ce qu’un poil d’humanité, il se serait attaqué de manière efficace aux violences faites aux femmes. Les près de 150 féminicides en 2019 prouvent qu’il ne s’y intéresse pas malgré tous leurs beaux discours. Il aurait éradiqué cette injustice incroyable issu d’un autre temps : les femmes, en France, sont payées 25% de moins que les hommes. Ou bien il s’intéresserait aux causes qui poussent 44% des français à ne pas partir en vacances.
La culture est politique. La détruire fait parti d’une idéologie ultra-libérale, pour ne pas dire fasciste.
Un cinéaste doit interroger le monde. Souligner ses incohérences. Approfondir notre humanité. En utilisant la palette technique que nous avons à disposition quand nous réalisons un film.
En Mai 1957, François Truffaut posait la question : « le cinéma est-il un Art ? »
J’aimerai tellement que nous, cinéastes, nous occupions de répondre à cette question essentielle.
Quel producteur défend le propos d’un film ?
Quel producteur s’intéresse à la signification d’un plan ?
Quel producteur explique la lumière d’un film ?
Quel producteur s’interroge sur la création sonore d’un film ?
Francis Ford Coppola disait qu’il ne faut jamais supplier de faire un film, mais le faire !
Il serait temps que nous, cinéastes, reprenions notre destin en main. Que nous soyons de nouveau le centre de la cinématographie Française.
J’espère que nous serons nombreux, le 10 Janvier, à l’assemblée générale extraordinaire de la SRF, pour revendiquer nos droits de cinéastes.
ENJOY !
#CNC #SRF #Macron #Culture #liberté #cinéma #films
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