Et si l'ECO-PRODUCTION, ça commençait vraiment maintenant ?
Les Assises de l’Écoproduction 2025 m’auront permis d’apprendre pas mal de choses. Entre l’atelier du matin sur les solutions alternatives en énergie, le bilan du rapport 2024 et la mise en œuvre concrète de la Prime RSE+ depuis le 1er septembre dernier, j’ai vu s’ouvrir des perspectives un peu plus écoresponsables que les pratiques actuelles dans nos secteurs où l’écoproduction semble trop souvent n’être qu’un simple prétexte pour faire des économies.
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1. Le rapport 2024 : une photographie précise de nos secteurs
Le rapport 2024 d’Ecoprod révèle l’ampleur de l’impact carbone de la production audiovisuelle et cinématographique : 1h heure de contenu produit génère en moyenne 16 tCO₂e soit l’équivalent de l’empreinte carbone annuelle de 1,7 Français ou de 70 000 km parcourus en voiture essence.
Les fictions (cinéma, séries, unitaires TV) sont de loin les genres les plus émetteurs, confirmant la nécessité de cibler en priorité les actions sur ces productions.
Le rapport dresse un état des lieux assez précis :
– plus de 10 000 bilans carbone réalisés depuis la refonte de Carbon’Clap en 2023,
– 400 structures adhérentes,
– un usage massif de l’outil dans toute la filière.
Les données montrent des tendances nettes :
– Le transport reste le premier poste d’émission (27,5 %), dominé par l’avion, responsable de 42,6 % des émissions.
– L’alimentation pèse 11 % de l’empreinte totale, fortement impactée par la viande rouge, responsable à elle seule de 55 % des émissions,
– L’énergie représente 8 %, dont 64 % liés aux groupes électrogènes diesel utilisés sur les tournages.
L’étude confirme aussi l’efficacité de certaines actions :
– -34 % d’émissions sur le transport grâce à une stratégie bas carbone cohérente,
– -40 % sur l’alimentation en réduisant la part carnée,
– -55 % sur l’énergie en substituant les groupes diesel par des alternatives.
Il existe plusieurs niveaux de label EcoProd, en fonction du score obtenu par les productions.
– Seules 6 % des séries ont obtenu le niveau 3 du Label Ecoprod, 47 % le niveau 2 et 35 % ne dépassent pas le niveau 1.
– Seuls 14 % des longs métrages et unitaires ont obtenu le niveau 3 du Label Ecoprod, 29 % le niveau 2, et la grande majorité, 57 % ne dépasse pas le niveau 1.
Je vous invite à consulter le rapport disponible en pièce jointe.
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2. La Prime RSE+ : un changement d’échelle (entrée en vigueur le 1er septembre 2025)
Le second grand sujet des Assises était sans surprise la Prime RSE+, nouvelle mesure structurante et particulièrement prometteuse du CNC.
Un point essentiel dont je n’avais pas connaissance a été rappelé : l’unique obligation d’une production pour toucher les aides du CNC est la réalisation d’un bilan carbone prévisionnel et d’un bilan définitif, rien de plus. Pas de critères de transport, pas d’exigence de mixité, pas de politique alimentaire, pas d’engagement structuré à l’échelle de la production.
La Prime RSE+ pourrait changer complètement la donne.
En effet, cette prime de 28000€ est conditionnée à la mise en place de 26 critères respectant la norme AFNOR SPEC 2308 qui impose la mise en place d’actions mesurables dans plusieurs domaines :
Transport et mobilité :
– privilégier le train pour les trajets inférieurs à 5h,
– interdire jets privés et hélicoptères,
– encourager le covoiturage,
– recourir massivement aux véhicules électriques ou hybrides.
Énergie :
– raccordement au secteur,
– groupes électrogènes à batteries, hydrogène ou biocarburants,
– tournages en lumière naturelle ou sur batteries simples .
Alimentation :
– repas végétariens obligatoires selon la formule du tournage,
– limitation drastique de la viande rouge,
– produits locaux, vrac, circuits courts
Mixité, Inclusion et Qualité de Vie au Travail (QVT) :
– équipes techniques paritaires (au moins 40% de femmes),
– sensibilisation aux recrutements inclusifs,
– intégration de la qualité de vie au travail dans les plannings .
En d’autres termes, la Prime RSE+ marque le passage d’une obligation de mesurer (bilan carbone) à une obligation d’agir via des leviers concrets, et pas uniquement au niveau écologique.
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3. IA et Impact Écologique
Une table ronde a également été organisée autour de l’arrivée de l’IA dans nos métiers, et sans rentrer dans les détails, il est particulièrement regrettable de manquer aujourd’hui d’outils afin de mesurer l’impact carbone de ces nouvelles technologies. Cela ne permet pas d'inclure leur empreinte au sein d'un Carbon Clap ou d'autres outils de mesure et l'IA est donc actuellement ignorée de tout bilan carbone.
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4. Atelier Énergie : PAWA Energy et Revolt, alternatives crédibles au diesel
Lors de l’atelier Énergie que j’ai choisi le matin, j’ai pu découvrir quelques alternatives concrètes aux groupes électrogènes. Je rappelle que ces derniers sont responsables de 64 % des émissions du poste énergie dans les tournages actuels, sans parler des nuisances sonores pour nous autres.
– PAWA Energy
PAWA propose une batterie haute capacité 45kVa, 100kWh, spécifiquement conçue pour l’audiovisuel. Elle se substitue directement aux groupes diesel pour de nombreux usages et conviendrait très bien dans nos métiers.
– Revolt
Revolt se positionne sur des solutions électriques de grande capacité, panneaux solaires ou packs batterie transportables, adaptés aux tournages lourds ou nécessitant une autonomie prolongée. Le tout avec un monitoring énergétique précis permettant d’ajuster les besoins et d’éviter les surdimensionnements fréquents.
Ces deux solutions, et ils en existent d’autres, permettent :
– une réduction drastique de l’impact carbone,
– la suppression des nuisances sonores,
– une meilleure sobriété énergétique grâce au suivi en temps réel des consommations.
Par contre, elles ont encore pas mal de limites aujourd’hui :
– disponibilité inégale sur le territoire,
– coût de location encore élevé, (700€ par jour pour Pawa)
– manque d’habitude des équipes techniques.
Ces freins devraient toutefois, on l’espère, s’atténuer rapidement dans les années à venir.
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Conclusion
La prime RSE+, sans toutefois mettre en place une véritable éco-conditionnalité des aides du CNC, suffira-t'elle à encourager l'éco-production ? Certaines régions étudient les bilans carbones prévisionnels avant de valider leur subventions, mais elles restent trop peu nombreuses. Les alternatives écologiques sont rarement plus coûteuses, elles impliquent cependant une véritable refonte de nos pratiques. Les équipes techniques semblent prêtes, qu'en est-il de nos productions ? Mesurer ne suffit plus, il est temps d'agir.
« Si la transition écologique de notre secteur semble belle et bien engagée, nous ne faisons qu’entamer cette transformation profonde de nos modes de production. » (rapport EcoProd 2024)
RAPPORT-CARBONCLAP-ET-LABEL-ECOPROD-2024-1-1.pdf
Graphiques-Rapport-CarbonClap-et-Label-Ecoprod-2024-2.pdf
Brochure guide production responsable - Synthèse du Mode d’emploi pour une production responsable.pdf
Présentation Plan Action ! PRIME RSE AFNOR VF.pdf
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