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Erwan KERZANET
8 juin 2025
Dana Farzanehpour, voyageur par l'écoute.

Dana Farzanehpour, voyageur par l'écoute.

Dana est une sorte d’hédoniste qui a besoin du voyage, du transport, du décalage culturel, pour faire son métier d’ingénieur du son. Sa longue filmographie l’amène au quatre coins du monde comme récemment en Amazonie où il s’est fait piqué par plein d’insectes, au Japon pour faire le film Renoir, de Chie Hayakawa qui était en Compétition à Cannes et en Italie pour Vermiglio de Maura Delpero qui a eu un énorme succès et lui aura valu, aux côtés de Hervé Guyader et Emmanuel De Boissieu, une récompense aux Donatello cette année.

EK : Or… la difficulté pour un ingénieur du son qui voyage réside vite dans les barrières de langues. C’est pas évident pour tout le monde de travailler dans une autre langue mais tu en as fait une spécialité :) …

Dana : C’est une question qui mérite d’être disséquée car, d’un côté, il y a la question d’enregistrer une langue que l’on ne comprend pas et, de l’autre, celle de travailler sur un plateau avec des techniciens qui parlent une autre langue et où l'on est confronté à une autre culture!

Alors je commence par le premier aspect : je dirai que c’est tellement amusant que j’en oublie très vite la difficulté!

Le cas de Vermilgio est un peu particulier car, l’essentiel du film étant tourné dans un patois / dialecte du Nord de l’Italie et la plus part des techniciens qui venaient de Rome ne le parlaient pas non plus ! Je n’étais pas très désavantagé par rapport aux autres. Les figurants et quelques acteurs, notamment Martina Scrinzi, l’actrice principale, parlaient couramment ce dialecte mais la plupart des comédiens travaillaient avec des bouts de dialogues enregistrés par un coach sur WhatsApp!

EK : Comment faisais-tu pour suivre ce que faisaient les acteurs sur le plateau? Et en général, lors de tous tes voyages, c'est un problème pour un ingénieur du son, non?

Je suis né et j’ai vécu en Iran jusqu’à 15 ans et là-bas, on y parle près de 72 langues ! Moi, je n’en parle qu’une seule mais je comprends un peu certains accents du Nord (au bord de la mer Caspienne) et dans mon enfance, il était très courant de me retrouver dans des situations où je ne comprenais pas du tout ce que les gens se disaient!

Quand je suis arrivé en France, à 15 ans, je ne parlais le Français ! Après 6 mois de cours, j’avais un niveau qui devait se situer entre 0 et 1 et j'étais en première S (La première scientifique à l’époque) avec bac de Français à la fin d’année… inutile de dire que le passé simple c’était de la science fiction pour moi! Les cours d’Histoire-Géo et le Français étaient des bains sonores pendant lesquels j’essayais de comprendre ce qui se passait, je dirais … surtout émotionnellement ! Si le prof était mal luné ce jour-là, et il fallait faire semblant d’être attentif pour qu’il ne me prenne pas en grippe, ou bien si quelqu’un sortait une blague, il fallait que je rigole, comme tout le monde, ni plus ni moins, pour ne pas passer pour un débile!! Les trucs d’ado au lycée quoi… Mais, assez curieusement, on réussit à comprendre beaucoup de choses sans comprendre la significations des mots, simplement en écoutant l’intonation et l’émotion que les gens mettent quand ils racontent ou disent quelque chose. C’est sans doute ce qui a formé mon oreille.

Pour en revenir à ta question, au bout d’une semaine ou 10 jours sur un plateau à écouter et enregistrer des prises, j’arrive à sentir si un comédien est dans son personnage ou pas, même si c’est une langue étrangère. Beaucoup de techniciens, d’ingénieurs du son, de monteurs son, ou de mixeurs sont sensibles à ça je crois. J’ai besoin de tourner des séquences : d’entendre comment un ou une comédienne incarne son personnage, pour avoir une référence, et en particulier si les prises qui sont validées par les réalisateurs ou réalisatrices. Bien évidement, j’ai la traduction du scénario et je m’informe sur les intentions du jeu. C’est de toutes façons plus facile que mes années de lycée!

EK : Et tu as maintenant une facilité à capter très vite les traits culturels dans toutes les cultures que tu rencontres …

Ça dépend vraiment où tu atterris! Il y a des différences étonnantes...

Quand ils sont énervés, les Anglais baissent le ton et insistent sur chaque syllabe en détachant les mots tandis que les Américains aiment bien hurler. C’est deux approches différentes et pourtant les deux parlent la même langue!

Je connais le Suédois grâce à la filmographie de Ingmar Bergman, certains de ses films je les ai vus 5 ou 6 fois, et le résultat, c’est que chaque fois que j’entends parler Suédois, même si c’est des touristes dans le métro, j’ai l’impression qu’il y a un problème métaphysique, un problème profond de couple qui se pose, ou qu’ils vivent un drame psychologique !

Un autre exemple : en Allemand, le verbe se trouve à la fin de la phrase. Donc, tant qu’une personne n’a pas terminé sa phrase, tu ne pourras pas comprendre ce qu’il a voulu dire ! Tandis qu’en Français et dans les langues latine, en général, le verbe arrive très vite, et on peut deviner la pensée de quelqu’un dès ses premiers mots ! On a tendance à trouver que les Allemands sont plus polis que les Français parce qu’ils ne se coupent pas la parole… Mais en fait ils n’ont pas le choix, il doivent attendre la fin des phases pour comprendre ce qui se dit! :)

Les choses se compliquent davantage face à des langues profondément différentes des nôtres. Par exemple le Chinois ou le Vietnamien sont des langues tonales. Au début on est content, car les gens parlent fort et marque les tonalités. On a beaucoup de niveau et c’est plus facile techniquement, mais assez rapidement on s’aperçoit qu’on a aucun repère pour les nuances de jeu! On ne sait pas du tout si la personne a fini son dialogue ou s’il fait une pause pour exprimer un sentiment précis, ou alors, au contraire, s’il hésite dans son texte, etc !! Quand je sais suffisamment à l’avance que je vais me retrouver face à ces difficultés, je me prépare en regardant des films dans ces langues en VO.

Le summum de la difficulté se présente pour moi lors des tournages de films documentaires avec la situation typique d’une conversation à percher entre plusieurs personnes! Parfois, c’est très difficile de savoir dans une pause qui va reprendre la parole, est-ce la même qui va enchaîner ou l’autre va-t-il continuer? Est-ce que la personne s'arrête de parler car elle retenue par des sentiments qui la submergent ! Une des façons de m’en sortir est de regarder les autres personnes présentes sur le plateau dans le cadres ou dans l’équipe technique … pour voir comment ils réagissent… On repère assez bien quand quelqu’un se prépare à parler ou au contraire si tout le monde est dans une écoute attentive. Quand on y arrive c’est vraiment génial, mais ce n’est pas toujours le cas!!

EK: J’ai fait un film avec le réalisateur chinois Wang Bing (« Man in Black », 2024) et pendant deux jours on a filmé un vieux compositeur de 80 ans qui racontait sa vie. Je ne comprenais rien du tout en l’enregistrant car tout était en Chinois. Le type était nu et il parlait hyper fort, il mélangeait à ses paroles des "wlinnng" de chbaoooom" et "tin tin tins » orchestraux. Ces deux jours comme une grande expérience vibratoire, hyper forte, faite d’explosions sonores en tous genres. Quand j’ai découvert le film avec les sous-titres, je me suis rendu compte que le type racontait toutes les violences subies pendant la Révolution Culturelle, que c’était des réponses très intimes. Et face à ces violences il avait choisi de composer de la musique. Sa musique c’était un soin, pour lui, pour l’aider à vivre, mais aussi censée apporter du bien à ceux qui l’écouterait et qui avaient été aussi brutalisés par la Révolution Culturelle. Et en fait, c’est totalement passé chez moi. Sans comprendre les mots, juste par les vibrations qu’il a envoyées sur le plateau, ça m’a touché physiquement.

C’est drôle, j’ai vécu un peu près la même chose lors de l’interview de l’une des dernières « Hibakusha » (survivante de la bombe Atomique). C’était pendant le tournage de Lumière d’été de Jean-Gabriel Périot. Cette interview se trouve dans les bonus du dvd car le film est une fiction et l’histoire s’est inspirée de la vie de cette dame. L’équipe était Franco-Japonaise et on avait la matinée pour faire l’entretien avec elle et, la veille, Jean-Gabriel nous avait envoyé un résumé de son histoire… donc on savait en gros ce qu’elle allait raconter. Elle avait 8 ans lors de l’explosion de la bombe à Hiroshima! Devant la caméra, elle nous a raconté le jour de l’explosion et ce qu’il lui est arrivé après : perdre toute sa famille et la aussi la difficulté en tant que « Hibakusha » de survire et d’être acceptée par la société japonaise… Le deal c'était qu’on la laisse raconter son histoire sans l’interrompre ni pour une traduction, ni pour une question. Elle a commencé son histoire sur un ton presque monotone pour mon oreille occidentale, et elle a gardé ce ton presque jusqu’à la fin. Au bout de quelques minutes, j’ai vu que notre traductrice, qui était face à elle, s’essuyait très discrètement une larme, quelques instant après c’était le tour de Ai, notre perchwoman, puis j’ai vu que toute l’équipe japonaise pleuraient aussi en silence. C’était très impressionnant car, avec nos codes occidentaux, rien n’indiquait qu’elle racontait quelque chose d’extrêmement douloureux, mais ce ton-là « pour nous sans émotion et monotone »  donnait une puissance sans égale à son récit. C’est un des moments les plus marquants que j’ai vécus en écoutant quelqu’un! Que ça soit dans une langue que je comprends ou dans une langue qui je ne comprends pas!

Cantar X3 de Dana dans un intérieur au Japon

EK : Et sur le plateau, avec l’équipe, tu arrives facilement à te faire comprendre ? Tu passes par l'Anglais?

Oui, s’ils le parlent! :) Je me suis souvent trouvé sur des plateaux ou peu de gens parlaient l’Anglais, parfois avec un ou une perchman Français et parfois avec un perchman local.

Quand c’est un perchman ou une perchwoman Française, c’est beaucoup plus simple mais certains problèmes demeurent car il y a toujours les vicissitudes ! Par exemple, sentir le bon moment pour demander à un machiniste ou un électro un réglage paraît anodin, mais une demande peut t'être refusée parfois simplement parce que  tu n’interviens pas au bon moment ! Et c’est compliqué, par exemple, de savoir si tu peux intervenir dans une conversation, voire l'interrompre, quand tu comprends pas un mot de ce qui se dit entre un réalisateur et son assistant, par exemple ! Ou bien un chef opérateur avec un (e) réalisateur (rice ) ! Est-ce qu’ils discutent d’un décor qu’ils viennent de perdre ou du resto qu'ils ont essayé la veille? En 27 ans de service, j’ai eu quelques ratés et beaucoup de surprises et j’en profite pour tirer mon chapeau aux assistants et assistantes qui ont bien voulu me suivre sur ces films à l’étranger parfois galères. Je ne sais pas comment ils font pour assurer autant en perchant dans une langue qu’ils ne comprennent pas (Japonais, Finlandais, Romain ou Chinois … ) et percher des séquences de 8 pages de textes entre 4 personnes! Je crois qu’on en apprendrait beaucoup en leur posant la question de leurs difficultés !

Mais ! ... Le plus compliqué, c’est quand vous ne parlez pas la même langue que le perchman avec qui vous travaillez!

Sur Voyage en Chine de Zoltàn Mayer, j’ai travaillé avec un perchman Chinois qui connaissait 5 à 10 mots d’Anglais. De mon côté, j’en avais appris autant en Chinois genre « silence » ou « attendez »… On a fait un mois de tournage juste avec ces 20 mots! Une partie du film était tournée en Français et j’avais demandé à ce que l’on fasse enregistrer toutes les scènes dialoguées en Français avant le tournage, pour que le perchman puisse écouter les phrases et s’habituer au rythme et à la musique de la langue, afin qu’ils puissent percher au mieux les séquences. Il avait les enregistrements sur son téléphone et se remettait ça dans l’oreille avant chaque séquence, et ça s’est super bien passé. Il faut dire que ce n’était pas un film très bavard ni avec beaucoup de personnages à la fois. Néanmoins, il reste un écart culturel dans les méthodes de travail ! Quand je courais partout pour régler un truc, il me regardait comme si j’étais hyper mec bizarre et n’arrêterait pas de me dire « Crazy, Crazy, Dana Crazy!! Et je lui disais « Attends... attends !!» en Chinois. Et après je lui faisais écouter le résultat pour qu’il se rende compte de ce que je faisais. Vu de l’extérieur ça devrait être comique! Mais avec mes 20 mots, on est arrivé à communiquer, à rigoler et parfois même à s’engueuler pendant un mois!!

EK : Oui, parce que réussir à conserver ses gestes de travail, surtout pour faire du son direct, dans tous ces contextes c’est pas évident… au delà de comprendre il faut se faire entendre aussi et gagner la confiance alors qu'on fait souvent des trucs pas habituels …

Oui et en plus de ça, j’ai envie de te dire que je suis bien obligé d’ y arriver ! C’est quand même la raison pour laquelle on m’y envoie ! On doit parfois faire des compromis et s’adapter : par exemple, dès que tu travailles dans un pays où ils n’ont pas l’habitude du son direct, tu as du mal à avoir le silence sur le plateau! Je trouve que la façon la plus douce et la plus efficace pour gagner le silence et faire taire tout le monde sur le plateau, c’est de leur mettre le casque sur les oreilles! Très souvent, ils s’émerveillent et me disent que c’est la première fois qu’on leur propose d’écouter le son et dans 99% des cas, ils ont super impressionnés par la sensibilité des micros! Parfois cela entraine des effets curieux, ils pensent que plus personne ne doit bouger! Et les assistants passent alors leur temps à courir partout pour faire taire l’équipe et arrêter tout ce qui bougent sur le plateau ! Et ils finissent même par immobiliser des truc qu'on aimerait entendre et enregistrer !

Ensuite, un autre problème se pose quand on doit faire des sons seuls de textes ou des ambiances sans le réalisateur ou la réalisatrice et sans personne qui comprenne la langue du coin! Tous les plateaux du monde ne sont pas habitués à faire des sons seuls.

Je fais un tout petite parenthèse, pour dire que les sons seuls et les ambiances liées à un décor ou à une culture sont extrêmement importants ! Il est souvent très difficile de trouver des sons dans des sonothèques de monteurs son qui correspondent exactement à ce que l’on entend dans des contrées reculées et peu filmées! C’est presque une affaire d’éthique ou politique : imaginer un réalisateur ou un monteur son utiliser un appel à la prière d’une mosquée de Bamako pour un film qui se passe au Tchad, sous prétexte que les deux disent la même chose, sans tenir compte des cultures et des accents… On n’aurait pas tort de les taxer d’une pensée coloniale à l’ancienne ! Peut-être que j’exagère un peu, mais franchement pas beaucoup ! Et j’ai déjà eu quelques coups de fils de monteurs très consciencieux qui m’ont appelé, parce qu’ils savaient que j’étais allé faire un film dans tel ou tel coin, et qu’ils voulaient récupérer des ambiances, des sons de ces lieux pour rester fidèle à l’esprit de projet et bien sûr, je leur ai donné tout ce que j’avais gardé.

Pour La Rizière, de Xiaoling Zu, je devais faire une ambiance dans un village au fin fond de pays des Dôngs, situé dans sud de la Chine (à la frontière du Vietnam).

J’ai fait un grand tour dans un village où j’ai enregistré différentes ambiances : des gens qui parlent sur un banc, des femmes âgées qui parlent tout bas entre elles, ainsi que des enfants qui jouaient et rigolaient etc… A la fin de mon tour, content de moi, je fais écouter mes sons à Xiaoling ! Au bout de quelques secondes je la vois rire à en pleurer!

Toutes les conversations que j’avais enregistrées ne parlaient que deux choses : de moi et de mon long nez car, pour les Chinois, les blancs ont des très longs nez, je crois surtout les iraniens!… Ils parlaient aussi de mes poils, car certains n’avaient jamais vu quelqu’un avec autant de barbe et de poils sur les mains!! Depuis cette expérience je ne quitte jamais un lieu sans faire vérifier le contenu de ce que j’enregistre par quelqu’un qui comprend la langue!

EK: Ce plaisir de la langue et cette écoute, tu la tiens aussi de ton plaisir de la musique? De ta pratique de la musique?

C’est vrai qu’il y a un côté musical à cette écoute particulière. Si on écoute de la musique éthiopienne ou japonaise au début c’est abstrait et pas facile mais une fois que l’oreille s’est habituée, on rentre dans les méandres de l’âme des musiciens et, finalement, c’est un début d’accès à toute une culture. Je m’intéresse depuis 35 ans à la culture japonaise, j’ai vu pas mal de films, et j’y suis allé plusieurs fois. Je commence à avoir quelques repères maintenant, mais je suis complètement perdu quand il s’agit de cultures comme les celles des natifs d’Amériques, du Nord, du Centre ou du Sud! Il y a deux ans, j’ai travaillé sur un projet qui se passe en forêt, au Brésil et l’on bossait avec les Assurinis, les natifs de l’Amazonie! Ça m’a fortement rappelé d’un coup mes années de lycées en France.

Et tout ça demande du temps. C’est un temps d’apprentissage, le temps qu’il faut pour écouter l’autre ce n’est pas rien. Quand je peux, j’essaye d’arriver sur place un peu avant le tournage pour d’aller aux répétitions, ou simplement me balader dans la ville et écouter la langue dans laquelle on va travailler les bruits et le rythme de la vie environnante. C’est le bon côté du célèbre prétexte « Je vais tout seul au resto pour écouter les conversations de la table à côté » !

EK: Les ingénieurs du son travaillent souvent avec les yeux et on apprend à mélanger notre regard et notre écoute. C’est sans doute encore plus vrai dans ton cas, ce que tu disais sur tes stratégies en documentaire par exemple. Tu as beaucoup de livres de photo chez toi et, j’imagine, tu as passé du temps à regarder ces images, tu as aussi un labo photo et tire toi-même tes propres photos en noir et blanc. Ta pratique de la photo joues dans ton rapport au cinéma. Est ce que finalement ce plaisir du voyage et le fonctionnement par les yeux te vient de ton expérience de la photo?

Pour répondre à cette question, je vais plutôt raconter comment la photographie est arrivée sur mon chemin! À mes débuts comme ingénieur son, je me suis aperçu assez rapidement que lorsque j’enregistrais des sons, dans ambiances, je me répétais, que j’enregistrais toujours la même chose : les mêmes ambiances de rue, les mêmes fonds de nuit urbaine, etc! Je me suis alors mis à associer l’idée du point de vue avec le point d’écoute, et de ce qui pouvaient les rapprocher ou les différencier. Alors je me suis dit que peut être, je pourrais modifier la façons de faire mes sons en faisant des photos! En cherchant les points vue différents d’un un même espace. Peut-être que j’amènerais mes oreilles à chercher et trouver plus facilement des points d’écoutes différents qui me permettent de varier et de préciser mon rapport à des espaces, des lieux, des décors, de voir les différentes façons de les aborder. En tout cas la photo m'a permis de trouver comment positionner mon écoute. Au départ, c’était comme un exercice que je me suis inventé et, petit à petit, la photo a pris de plus en plus de place dans ma vie, à tel point que maintenant c’est l’ingénieur du son qui, parfois, va jusqu'à produire des projets de photographes !

EK : Pour en revenir à la langue et à la culture … en Persan, dans ta langue, c’est plus simple le cinéma? Tourner en Iran, tout doit te paraître d’un coup beaucoup plus limpide?

Je n’ai fait que deux fictions en Iran : Sang et or, de Jafar Panahi et Yalda, Nuit de Pardon, de Mossoud Bakhshi. J’ai aussi enregistré le son sur quelques documentaires avec Bahman Kiarostami, tournés chez les Turkmènes, chez les Godar (les Gitans qui se sont installés dans le Nord de l’Iran), et en Azerbaijan d’Iran mais je ne parle ni le Turkèmen, ni la langue des Godar (Mélange de Sanskrit et Pahlavi), ni l'Azari! Les fictions, en revanche, ont été tournées en Persan et il est certain que ça change quelques choses de tourner dans sa langue maternelle même si, pour moi, c’est comme un retour dans un autre espace temps, car l’environnement persanophone est extrêmement lié à mes années d’enfance, de 0 à 15 ans!

Et là aussi, c'est évident, la culture joue : En Iran, la discipline la plus populaire c'est la poésie et tout le monde connait des vers de poésie, qu’il soit lettré ou illettré. Le cinéma iranien est totalement enraciné sur la poésie persane et les acteurs jouent forcément de manière particulière car ils sont eux aussi nourris par la poésie persane. Si on n’en tient pas compte, ou si on ne le sait pas, on peut avoir du mal à entrer dans le film ou à en comprendre l’histoire et, en tant que technicien, sur le plateau, on peut facilement passer à côté d’une scène en pensant que c’est mal joué ou pas senti!

Je peux imaginer le temps que ça demanderait à un non Iranien de se familiariser avec tout ça ... Par exemple, dans l’inconscient collectif Occidental, la percussion est lié à l’idée de la guerre ou au mouvement par exemple… et ça sera difficile de faire croire à quelqu’un que l’on fait du romantisme avec des percussions sauf si l’on s’appelle Iannis Xenakis ou Pierre Boulez! Mais dans la tradition de l’opéra Chinois ou bien dans la musique traditionnelle japonaise, la percussion est très utilisée pour exprimer le sentiment amoureux ! Bon … tout ça est en train de changer, car les réseaux sociaux ont globalisé certains gestes ou expressions et, parfois, on les retrouve aussi bien chez les asiatiques que chez les Américains !

Dana et Marie Mougel à a perche sur le tournage de Vermiglio de Maura Delpero

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